Vous êtes >> Home >> Le temps jadis >> Histoire >> L'Alaric : un canal en recherche de paternité
L’Alaric : un canal en recherche de paternité

Extrait des Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, volume 2



Canal d'Alaric, en amont du moulin du Las
Canal d'Alaric, en amont du moulin du Las

Le canal d'Alaric est dérivé des eaux de l’Adour, sur la rive droite, au moyen d'une simple digue en gros cailloux construite à cinquante mètres au levant de Pouzac ; à deux kilomètres au nord de Bagnères, il sert à l'irrigation des terres et fait mouvoir plusieurs scieries et environ soixante moulins à farine ; son cours dans le département des Hautes-Pyrénées, jusqu'à Rabastens, est de 38 km et de 30 km dans le département du Gers, où il se rejette dans l'Adour un peu au-dessous du village de Préchac. Dans son cours de 68 km, il traverse dix-neuf villages et la rivière de l'Estéous, en suivant le pied des coteaux qui séparent le bassin de l'Adour de celui de l’Arros.

On lit dans la description topographique et statistique de la France : " La tradition fait remonter la construction de ce canal jusqu'à l'an 507, sous le règne d'Alaric, roi des Wisigoths, dont il porte le nom ; mais il n'y a rien de certain à cet égard. "

Lorsqu’un fait avéré, ou une impossibilité physique ne détruisent pas une tradition, lorsqu'elle est honorable pour la personne qui en est I'objet et appuyée sur la probabilité, on ne devrait pas dire : cette tradition est fausse ou incertaine, il faudrait le prouver.

Canal d'Alaric, en amont du moulin Bouhabent
Canal d'Alaric, en amont du moulin Bouhabent

Le canal d'Alaric existe encore, il est difficile de I'attribuer aux gouvernements qui remplacèrent le sien ; aussitôt après sa mort les rois Francs s'emparèrent du Bigorre. Ce n'est pas sous leur domination qu'on eût imaginé de donner à un de leurs ouvrages le nom d'un roi Goth qu'ils venaient de détrôner. Ces temps de trouble et d'instabilité ne permirent pas aux nouveaux souverains de s'occuper de grands travaux d'amélioration. Le règne d'aucun des prédécesseurs d'Alaric n'avait été assez paisible pour qu'ils pussent former un projet d'une exécution aussi longue ; Théodoric I , par l'éclat et la durée de sa puissance, est le seul à qui on pût raisonnablement l’attribuer. Ce prince, sans cesse occupé de guerres, aurait-il bien eu la volonté et Ie temps de se livrer à une telle entreprise ? il est permis d'en douter. On fait remonter à son règne les fortifications de Carcassonne ; ce genre de travaux, nécessité par les circonstances, est conforme au génie de Théodoric et justifie la tradition, lors même qu'il n'eût fait que réparer, ce qui est probable, la forteresse dont elle lui attribue l'établissement ; quel motif d'ailleurs eût poussé à lui enlever l'honneur d'un beau travail, pour le donner à son petit-fils. Le règne de celui-ci fut très différent du sien : au lieu d'avoir à soutenir des guerres interminables, Alaric occupa le trône pendant vingt-trois ans de paix ; son caractère et la douceur de son gouvernement le montrent constamment dévoué au bonheur de ses sujets ; il ne pouvait en donner de meilleures preuves qu'en employant son pouvoir et son loisir à la réforme de la justice et aux progrès de I'agriculture. On doit ajouter, à l’appui de ces raisonnements, qu'il y a lieu de croire qu’Alaric imita l’exemple que venait de lui donner son beau-père. En effet on voit, d'après la fameuse inscription de Terracine, que Théodoric roi d'Italie fit creuser des canaux pour assainir les marais pontins (*). Une noble émulation pu porter son gendre à entreprendre des travaux semblables pour favoriser l’agriculture et le commerce.

Laissons donc à Alaric la gloire que la postérité reconnaissante continue à lui décerner, jusqu’à ce qu'il soit prouvé qu’elle lui est étrangère.

 

Alain F. , avec la collaboration éclairée de R.Maisonneuve.



(*) Les marais pontins (en italien " agro pontino ") sont une région marécageuse située en Italie centrale, dans la région du Latium, à environ soixante kilomètres au sud de Rome.

Méandres du canal d'Alaric, en amont du domaine Souquet
Méandres du canal d'Alaric, en amont du domaine Souquet
 
Bannière